Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/480

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femme, sillonne de rides son front impur, ceint d’une bandelette sacrée ses cheveux blancs, et se couronne d’olivier : elle devient Calybé, vieille prêtresse de Junon et gardienne de son temple. Elle se présente ainsi au jeune prince, et lui parle en ces mots : « Turnus, consens-tu donc à perdre le fruit de tant de travaux ? Souffriras-tu qu’un sceptre qui t’appartient passe aux mains d’une colonie troyenne ? Le roi te refuse une épouse et la dot achetée de ton sang : pour héritier de ton trône il cherche un prince étranger ! Va maintenant, pour l’ingrat qui te joue, affronter encore les dangers ! écrase les bataillons de Tyrrhène ! Assure le repos des Latins ! C’est la puissante fille de Saturne qui, tandis que tu reposes dans la nuit paisible, m’a ordonné de venir te parler sans détour. Lève-toi donc, arme la jeunesse, ouvre-lui les portes pour la conduire aux combats, et, sur les bords riants du fleuve où se sont établis les Phrygiens, immole leurs chefs et brûle leurs vaisseaux : tel est l’ordre suprême des dieux. Et si le roi Latinus persiste à te refuser sa fille ; s’il reste infidèle à sa parole, qu’il connaisse Turnus, et que lui-même enfin fasse l’épreuve de ta valeur dans les combats. »

Le jeune héros, raillant la prêtresse, réplique à son tour et lui dit : « La nouvelle de l’arrivée d’une flotte troyenne entrée dans les eaux du Tibre n’a pas, comme tu le crois, échappé à mon