Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/514

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recueillir ni conserver les dons de Cérès, et ne se nourrissaient que de fruits sauvages et des produits d’une chasse pénible. Exilé de son royaume et fuyant les armes de Jupiter, Saturne descendit du haut de l’Olympe, et vint le premier dans cette contrée. Il rassembla ce peuple indocile, épars sur les montagnes ; il lui donna des lois, et voulut que le pays où il avait trouvé un sûr asile fût appelé Latium. C’est sous son règne que brilla l’âge d’or si vanté, tant il gouvernait son peuple dans une paix profonde ! Mais peu à peu la fureur de la guerre et la soif des richesses vinrent altérer par degrés et décolorer cet âge heureux. Alors arrivèrent les Ausoniens, les peuples de Sicanie, et souvent la terre de Saturne changea de nom. Elle eut des rois nouveaux, et parmi eux le farouche Tibris, géant énorme, dont le nom fut donné plus tard à notre Tibre ; et l’antique Albula perdit le sien.

« Pour moi, banni de ma patrie, après avoir longtemps erré sur les mers lointaines, la Fortune toute-puissante et l’inévitable destin m’ont fixé dans ces lieux où m’appelaient encore les avertissements redoutables de la Nymphe Carmenta, ma mère, et les oracles du divin Apollon. »

Il dit, et, s’avançant, il montre au héros l’autel et la porte que les Romains ont nommée Carmentale : antique honneur rendu, dit-on, à la Nymphe Carmenta, qui, dans ses chants fatidiques,