Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/525

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rie. Soudain les mères tremblantes redoublent leurs vœux : leur crainte augmente avec le danger, et déjà l’image de Mars leur apparaît plus terrible. Évandre, quand son fils va partir, prend sa main, la lui serre avec tendresse, et, baigné de larmes intarissables, il lui dit : « Oh ! si Jupiter me rendait mes années écoulées ! Si j’étais tel qu’on me vit autrefois quand, sous les murs mêmes de Préneste, je renversai les premiers rangs de son armée, et que, vainqueur, je brûlai des monceaux de boucliers ; quand, de cette main, j’envoyai dans le noir Tartare le roi Herilus qui, en naissant, reçut de Féronie, sa mère, ô prodige ! trois âmes et une triple armure ! Il fallait qu’il fût trois fois terrassé par la mort ; et cependant ce bras lui enleva ses trois âmes, et le dépouilla de ses trois armures. Si j’étais encore à cet âge, mon fils, rien ne pourrait m’arracher à tes doux embrassements ; et jamais Mézence, insultant à ma vieillesse, n’eût, si près de moi, égorgé tant de victimes, et dépeuplé sa ville de tant de citoyens. Mais vous, ô dieux ! et toi, Jupiter, qui règnes sur les immortels, ayez pitié du roi des Arcadiens qui vous implore, et exaucez les vœux d’un père. Si vos décrets favorables, si les destins me conservent Pallas ; si je vis pour le revoir et l’embrasser encore, prolongez encore mes jours : à ce prix, j’aurai le courage de supporter tous