Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/537

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accès détourné. Tel, au milieu d’une froide nuit, et battu de la pluie et des vents, un loup embusqué explore en frémissant toutes les issues d’un bercail, tandis qu’à l’abri du danger les agneaux bêlent sous leur mère : l’animal avide et cruel s’acharne contre sa proie absente : la rage d’une faim prolongée et sa gueule altérée de sang accroissent son supplice. Ainsi la colère du Rutule s’allume à la vue des murs et du camp, et la fureur l’embrase jusque dans la moelle des os. Comment trouver un accès ? Par quel moyen faire sortir les Troyens de leurs retranchements, et les attirer dans la plaine ?

La flotte, adossée contre un des côtés du camp qui la cachait, était doublement protégée par les retranchements et par les eaux du fleuve. Turnus y vole, pousse ses compagnons triomphants à la livrer aux flammes, et déjà un brandon en feu arme sa main furieuse : tous s’élancent à ce signal : la présence de Turnus les excite, et chacun s’arme d’une torche embrasée. Les foyers sont dépouillés ; ces brandons jettent une sinistre clarté, et la flamme pétillante s’élève en tourbillons dans les airs.

Quelle divinité, ô Muses ! détourna de la flotte troyenne ce terrible incendie, et repoussa loin de leurs vaisseaux ces feux redoutables ? Dites : c’est une tradition antique, mais que le temps n’a pas effacée.