Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/554

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payer de ton sang la mort de ces deux guerriers. » Aussitôt, le fer en main, il fond sur Euryale. Nisus, éperdu, hors de lui, ne peut résister à sa douleur et s’arrache aux ténèbres qui le cachaient ; il s’élance, il s’écrie : « Moi !… c’est moi !… me voici ! J’ai tout fait ; tournez vos armes contre moi… ; c’est moi qui suis le coupable : cet enfant n’a rien pu, rien osé ; j’en atteste ce ciel et ces astres qui le savent ! il a seulement trop aimé son malheureux ami. » Il disait, et déjà le fer, poussé avec force, a traversé les côtes d’Euryale, et brisé sa blanche poitrine : il roule expirant ; ses beaux membres sont inondés de sang, et sa tête défaillante retombe sur ses épaules. Ainsi une fleur brillante, que la charrue a tranchée, languit et meurt ; ainsi le pavot, affaissé par une pluie violente, baisse la tête et se penche sur sa tige.

Cependant Nisus se précipite au milieu des ennemis ; il ne cherche que Volscens ; c’est sur Volscens lui seul que s’acharne sa vengeance : en vain on le serre, on le presse de tous côtés : rien ne l’arrête ; il fait tournoyer son glaive foudroyant, jusqu’à ce qu’il l’ait plongé dans la bouche du Rutule, ouverte pour crier, et qu’il ait arraché, en mourant, la vie à son ennemi. Percé de coups, il se jette sur son ami expiré,