Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/577

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Troyens poursuivent les habitants du Latium, menacent de leur joug un sol étranger, et ravissent le bien d’autrui ? Ils pourront se choisir des beaux-pères, et arracher au sein maternel des épouses déjà promises ! tendre la main en signe de paix, tandis qu’ils arment leurs vaisseaux pour la guerre ! Il vous sera permis de soustraire Énée au fer des Grecs, de lui substituer un fantôme nébuleux, et de faire de ses vaisseaux autant de Nymphes ; et l’on me fera un crime, à moi, de prêter aux Rutules quelques secours ! — Énée, absent, l’ignore !… qu’il l’ignore, qu’il soit absent. Maîtresse souveraine de Paphos, d’Idalie et de Cythère, qu’avez-vous besoin de provoquer une cité guerrière et des cœurs indomptables ? Est-ce moi qui ai conspiré la ruine totale de l’empire de Priam ? Moi, ou celui qui a exposé les Troyens à la vengeance des Grecs ? Quel motif a subitement armé l’Europe et l’Asie ? Qui a rompu la paix par un enlèvement clandestin ? Est-ce par moi que l’adultère Troyen a triomphé de Sparte ? Lui ai-je fourni des armes, ou ai-je fomenté la guerre en attisant sa coupable passion ? C’est alors qu’il convenait de trembler pour vos chers Phrygiens : mais aujourd’hui vos plaintes sont trop tardives, et ces débats inutiles n’ont plus d’objet. »

Ainsi parla Junon ; et son discours, diversement accueilli par les dieux, fut suivi d’un murmure prolongé : tel frémit, empri-