Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/587

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s’élancent à terre ; d’autres glissent le long des rames. En explorant la côte, Tarchon a remarqué un endroit où l’onde se brise et recule sans murmure, et où le flux inoffensif de la mer vient glisser sans obstacle. Il y tourne aussitôt sa proue, et s’adressant à ses compagnons : « Allons, troupe d’élite, dit-il, courage ! appuyez fortement sur vos rames : enlevez, transportez vos vaisseaux ; que leur proue fende cette plage ennemie, et que leur carène s’y ouvre un large sillon. Dût mon vaisseau périr en abordant, qu’importe, pourvu que je touche la terre ! » Il a parlé : soudain l’onde écume sous l’effort des rameurs, et les vaisseaux se creusent dans le sable un lit où ils s’arrêtent bientôt sans obstacle et sans danger. Le tien fut moins heureux, brave Tarchon ! engagé dans les sables et suspendu sur de funestes écueils, il fatigue vainement les flots ; puis il se brise, laisse ses guerriers à la merci des ondes : les débris flottants des rames et des bancs de rameurs leur rendent plus difficile l’accès du rivage, d’où le reflux les repousse avec violence.

Turnus ne perd pas un instant : il se hâte de rassembler toute son armée, qui présente bientôt aux Troyens un front formidable.

Les clairons se font entendre : Énée le premier (présage heureux du succès !) fond sur ces bandes agrestes ; et déjà il a im-