Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/586

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les chefs de l’armée latine : mais cet étonnement cesse bientôt à l’aspect des poupes tournées vers le rivage, et de la mer couverte de vaisseaux. Ils voient les éclairs qui jaillissent du casque d’Énée, la pourpre flamboyante de son panache, et les torrents de feu que vomit l’or de son bouclier. Ainsi, par une nuit sereine, de sanglantes comètes jettent de lugubres clartés : tel encore le brûlant Sirius se lève, apportant aux tristes mortels la soif et les maladies, et attriste le ciel de son funèbre éclat.

Cependant l’audacieux Turnus ne perd pas l’espoir de s’emparer du rivage, et d’en repousser l’ennemi. Il exhorte, il encourage les siens : « Le voilà, ce que vous désiriez, s’écrie-t-il, le voilà ! Mars lui-même vous livre vos ennemis. Songez à vos femmes, à vos foyers, aux exploits et à la gloire de vos pères. Courons au rivage, tandis que les Troyens effrayés sortent de leurs vaisseaux d’un pas encore mal assuré. À ceux qui osent, la Fortune vient en aide. »

Il dit, et désigne en même temps ceux qui marcheront avec lui, et ceux qui resteront en observation autour des murs assiégés.

Mais déjà, du haut des poupes, des ponts sont jetés, par ordre d’Énée, pour le débarquement. Plusieurs, saisissant le moment où le retour du flot vers la haute mer laisse le sable à découvert,