Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/607

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animal fait de tous côtés face à l’ennemi, grince des dents, et secoue les dards enfoncés dans son dos. Ainsi de tous ces guerriers qu’une juste colère anime contre Mézence, aucun n’ose fondre sur lui le fer en main : c’est de loin que leurs dards et leurs cris le provoquent.

Acron, Grec d’origine, avait quitté les antiques frontières de Corythe, laissant imparfait son hymen préparé. Il portait l’épouvante et la mort dans les rangs ennemis : Mézence le distingue au milieu de la mêlée, à l’éclat de son panache et à l’écharpe de pourpre, présent de sa fiancée. Quand un lion, rendu plus furieux par la faim qui le presse, erre dans les forêts à la recherche d’une proie, s’il aperçoit un chevreuil craintif ou un cerf fier de sa haute ramure, il ouvre, joyeux, une gueule immense, hérisse sa crinière, se jette sur sa proie et s’acharne sur ses entrailles ; sa gueule avide est inondée d’un sang noir. Tel le fougueux Mézence se précipite au plus fort de la mêlée. Le malheureux Acron tombe sous ses coups, frappe de ses pieds la terre, et ensanglante ses armes brisées. Orode fuyait : Mézence dédaigne de le renverser et de lancer un trait incertain ; il le devance, l’attaque face à face, et triomphe, non par la ruse, mais par la force des armes. Pressant ensuite du pied et de la lance le corps de son ennemi : « Amis, s’écrie-t-il, le voilà gisant, ce grand Orode, le solide rempart de son armée ! »