Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/625

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

circulent autour des feux funèbres en poussant des cris lamentables. Ils arrosent de pleurs la terre et leurs armes. Les cris des soldats et les accents guerriers de la trompette montent vers le ciel. Les uns jettent dans les flammes les dépouilles ravies aux Latins égorgés, des casques, des épées, des freins, des roues brûlantes ; les autres, des dons connus, ces boucliers et ces armes qui ont si mal servi leur valeur. De nombreux taureaux tombent, immolés, autour des bûchers, et le sang des porcs et des brebis enlevés aux campagnes voisines en arrose la flamme. Rangés le long du rivage, les guerriers regardent les feux qui dévorent leurs compagnons, et veillent auprès de ces bûchers à demi consumés. Rien ne peut les arracher à ce triste spectacle, jusqu’à ce que l’humide nuit ait fait tourner le ciel semé d’étoiles resplendissantes. De leur côté, les malheureux Latins ont dressé également de nombreux bûchers. Les corps de leurs guerriers sont en partie inhumés sur ces bords mêmes, et transportés en partie dans les champs voisins ou renvoyés à la ville ; tout le reste est jeté pêle-mêle dans les flammes, sans ordre et sans distinction. D’innombrables feux brillent de toutes parts et éclairent au loin ces vastes plaines. La troisième aurore avait chassé du ciel les froides ombres de la nuit : la foule attristée vient recueillir, au milieu de