Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/662

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toucher, ô vous, mon unique espoir et le soutien de ma triste vieillesse, vous de qui dépendent la renommée et l’empire de Latinus, et sur qui s’appuie toute notre maison chancelante, je ne vous demande qu’une grâce : renoncez à cette lutte contre les Troyens. Quelle que soit pour vous l’issue du combat, elle sera la même pour moi : en même temps que vous j’abandonnerai une vie odieuse, et je ne verrai pas Énée devenir mon gendre, et moi sa captive. » Lavinie accueille les paroles de sa mère en inondant ses joues de larmes brûlantes : le feu, qui se porte à son visage, l’échauffe et le colore d’une vive rougeur. Tel l’ivoire de l’Inde brille sous l’éclat d’une teinture de pourpre, ou telle la blancheur des lis rougit en se mêlant à l’incarnat des roses. Transporté d’amour, et les yeux attachés sur Lavinie, Turnus n’en est que plus ardent au combat. « Ô ma mère, dit-il à la reine, je vous en conjure, que ces larmes, que ces présages funestes ne me suivent pas au milieu des périls de cette lutte redoutable ; car, en présence même de la mort, Turnus n’est plus libre de différer. Idmon, charge-toi d’un message : porte au roi des Phrygiens ces paroles peu faites pour lui plaire : — demain, quand l’Aurore, montée sur son char de pourpre, rougira le ciel de ses premiers feux, qu’il ne pousse point les Troyens contre les Rutules ; que les Troyens et les Rutules laissent reposer leurs armes ; que son sang ou le mien