Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/669

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sait, il a perdu, sous le coup du fer tranchant, ses branches et sa chevelure : arbre jadis, maintenant la main de l’artiste l’a entouré d’un airain brillant, et l’a remis aux rois de Laurente comme un signe de leur pouvoir. »

C’est en ces termes qu’ils confirmaient leur alliance au milieu des chefs de l’armée. Alors, suivant l’usage, ils arrosent la flamme du sang des victimes consacrées ; on arrache leurs entrailles palpitantes, et l’on en remplit les plats dont on charge les autels.

Mais depuis longtemps le combat semble inégal aux Rutules, et leurs cœurs sont agités de mouvements divers, surtout quand ils voient de plus près la disparité des forces. Leur sollicitude s’accroît, à la vue de Turnus qui s’avance d’un pas silencieux, les yeux baissés, et s’incline en suppliant devant l’autel : ses joues sont livides, et la pâleur couvre son jeune front.

Dès qu’elle s’aperçoit du progrès toujours croissant de ces murmures et des dispositions incertaines et chancelantes de la multitude, Juturne, sœur de Turnus, se glisse dans cette foule, sous la forme menteuse de Camerte, guerrier issu d’une noble race, fils d’un père qui avait illustré son nom par sa valeur, et lui-même redoutable dans les combats : elle se mêle au milieu des rangs, et, par un habile artifice, sème des bruits divers : « Ô Rutules, s’écrie-t-elle, ne rougissez-vous pas de souffrir qu’un seul homme