Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/670

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expose sa vie pour toute une armée composée de guerriers vaillants ? Ne sommes-nous pas égaux en nombre et en forces ? Regardez : voilà toute cette armée que les destins ont envoyée contre nous, les Troyens, les Arcadiens et les Étrusques acharnés contre Turnus : à peine, si la moitié seulement de notre armée combattait, pourraient-ils opposer un adversaire à chacun de nous. Certes, la gloire élèvera jusqu’aux dieux celui qui se dévoue au pied de leurs autels pour le salut commun, et son nom immortel vivra dans toutes les bouches ; et nous, n’ayant plus de patrie, nous subirons le joug de maîtres insolents, nous qui restons ici spectateurs oisifs du combat ! » Ce discours accroît de plus en plus, par sa flamme, la révolte des esprits, et un murmure circule dans tous les rangs. Ces mêmes Laurentins, ces mêmes Latins ont changé de pensée : eux qui naguère se plaisaient à espérer la fin des combats et la sécurité, maintenant ils demandent des armes ; ils veulent que le traité soit rompu, et s’apitoient sur le sort injuste de Turnus.

À cette ruse, Juturne en joint une autre plus puissante encore : elle fait apparaître dans les hauteurs de l’air un prodige trompeur qui porte dans les esprits fascinés un trouble indicible. L’oiseau fauve de Jupiter, volant dans l’éther embrasé, poursuivait les oiseaux du rivage et la troupe bruyante du bataillon ailé, lorsque,