Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/687

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reine voit, du haut de son palais, l’ennemi s’avancer, entourer les murailles de brandons enflammés, elle invoque en vain le secours des bataillons rutules et des guerriers de Turnus : elle ne les aperçoit nulle part. Elle se persuade alors que le jeune héros a péri en combattant ; elle s’accuse, dans son égarement, d’être la cause coupable de tant de maux : après avoir exhalé en discours insensés son désespoir furieux, et résolue à mourir, elle déchire de sa propre main sa robe de pourpre, en fait un lien qu’elle attache à une poutre élevée, et dont le nœud devient l’instrument d’une mort hideuse. Le bruit de ce malheur ne tarde pas à se répandre parmi les Latines ; et la première de toutes, Lavinie, sa fille, arrache sa blonde chevelure et meurtrit ses joues de rose. Les femmes qui l’environnent partagent sa vive douleur, et tout le palais retentit de leurs gémissements. Bientôt cette funeste nouvelle se répand dans toute la ville, et une morne stupeur consterne les esprits. Accablé de la cruelle mort de sa femme et de la ruine qui menace Laurente, Latinus déchire ses habits, souille ses cheveux blancs d’une immonde poussière : combien il se reproche de n’avoir pas accueilli tout d’abord le héros troyen, et de ne l’avoir pas de lui-même adopté pour gendre !

Cependant Turnus, à l’extrémité de la plaine, poursuit encore quelques fuyards ; mais son ardeur n’est plus la même, et il se