Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/694

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par les Troyens dont la foule qui l’entoure présente un obstacle infranchissable ; là, par de vastes marais, et, plus loin, par de hautes murailles. Énée ne l’en poursuit pas avec moins d’ardeur, quoique ses genoux, encore affaiblis par sa blessure, rendent sa course moins facile et moins prompte : il le presse, et son pied touche le pied de son ennemi épouvanté. Tel un chien de chasse, s’il vient à trouver un cerf arrêté par un fleuve, ou entouré d’un épouvantail de plumes rouges, ne cesse de le harceler en courant et en aboyant : le cerf, effrayé à la vue du piége et de la rive escarpée, s’égare en mille tours et détours : mais l’ardent limier s’attache à sa proie, qu’il suit la gueule béante : déjà il la tient ou croit du moins la tenir ; ses dents font entendre un craquement ; mais il ne mord que l’air, qui trompe son avidité. Alors un cri s’élève, auquel répondent les rives et les lacs d’alentour, et tout le ciel retentit de ces tumultueuses clameurs. Turnus, dans sa fuite, gourmande tous les Rutules, les appelant chacun par leur nom, et leur redemande son glaive. Énée menace d’une soudaine vengeance et de la mort quiconque approchera. Il répand la terreur dans cette foule tremblante, en lui faisant craindre l’entière destruction de la ville ; et, malgré sa blessure, il presse son ennemi. Cinq fois, dans leur course, ils ont fait le tour de la lice, et autant de fois ils sont revenus sur leurs pas ; car, dans cette