Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/695

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lutte, ils ne se disputent point un prix frivole et sans importance : il s’agit de la vie et du sang de Turnus.

En ce lieu même, s’élevait un olivier aux feuilles amères, consacré au dieu Faune : cet arbre était naguère révéré des matelots : c’est là que, sauvés du naufrage, ils avaient coutume d’attacher les dons qu’ils offraient au dieu de Laurente, et de suspendre les vêtements consacrés ; mais les Troyens, sans respect pour cet arbre vénérable, n’avaient pas craint de l’abattre, afin de laisser le champ libre aux combattants. Là se dressait la javeline d’Énée : lancée avec vigueur, elle s’y était fixée, et les racines l’y retenaient fortement engagée. Le héros, en se courbant, veut l’arracher, et poursuivre avec ce fer celui qu’il ne peut atteindre à la course. Alors Turnus, que la frayeur met hors de lui : « Faune, dit-il, je t’en conjure, prends pitié de moi ! Et toi, Terre protectrice, si j’ai toujours été fidèle à ton culte, que les Troyens, au contraire, ont profané par une guerre impie, retiens ce fer qu’on veut t’arracher. »

Il dit, et sa prière n’a pas vainement imploré ce secours divin. Énée se consume en efforts impuissants, et le tronc obstiné refuse de lâcher prise. Tandis que le héros continue de lutter, impatient, contre l’obstacle, la déesse, fille de Daunus, profite du moment, reprend la forme de l’écuyer Métisque, et rapporte à