Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/697

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Ainsi parla Jupiter : Junon, le front baissé, lui répond : « Votre volonté m’était connue, grand Jupiter ; aussi ai-je, quoique bien malgré moi, abandonné Turnus et la terre. Autrement me verriez-vous ici, seule sur un nuage, supporter tant d’affronts ? Non, non ; armée de feux vengeurs, je serais sur le champ de bataille, et j’entraînerais les Troyens à des combats qui leur seraient funestes. J’ai conseillé à Juturne, je l’avoue, de secourir son malheureux frère ; j’ai bien voulu qu’elle osât plus encore pour lui sauver la vie, pourvu qu’elle ne fit usage elle-même ni de l’arc ni des flèches : j’en jure par la source inexorable du Styx, qui seul peut frapper d’une religieuse terreur les dieux de l’Olympe. C’en est fait, je cède et renonce pour toujours à ces odieux combats. Mais je demande pour le Latium, pour l’honneur de votre race, ce que ne défendent pas les arrêts du destin. Lorsque les deux peuples, puisqu’il le faut, affermiront la paix par un heureux hymen ; lorsque, par leur alliance, ils seront associés sous des lois communes, ne permettez pas que les Latins, fils de cette terre, deviennent des Troyens, et en prennent le nom, ni que ces peuples changent leur langage et leur manière de se vêtir. Que le Latium soit maintenu à toujours ; que les rois albains subsistent pendant les siècles, et que Rome doive un jour son accroissement et sa puissance à la valeur ita-