Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/698

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lienne. Troie a péri : souffrez que son nom périsse avec elle. »

Le créateur des hommes et des choses lui répond en souriant : « Sœur de Jupiter, et fille de Saturne, vous roulez dans votre cœur de tels flots de colère ! Allons, calmez une fureur inutile. Ce que vous me demandez, je vous l’accorde ; les Ausoniens conserveront le langage et les coutumes de leurs pères ; ils ne changeront point de nom : les Troyens se confondront avec les Latins, auxquels l’avantage restera. Le même culte réunira les deux peuples autour des mêmes autels ; et il n’y aura plus dans le Latium que des Latins parlant une même langue. De ce mélange des deux sangs sortira une race qui surpassera en vertu les hommes et les dieux, et nul peuple n’honorera vos autels de plus d’hommages. »

Junon approuve ces paroles, et change avec joie les sentiments de son cœur. Aussitôt elle abandonne le nuage et remonte dans l’Olympe. Cependant le père des dieux roule dans son esprit un autre projet : il veut éloigner Juturne de son frère et du champ de bataille. Il est deux fléaux qu’on nomme Furies. La Nuit sombre les produisit dans un seul et même enfantement avec l’infernale Mégère, hérissa également leurs têtes de serpents tortueux, et leur donna des ailes aussi rapides que le vent. Elles se montrent devant le trône de Jupiter, sur le seuil de ce roi redou-