Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/700

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sœur pour ton salut ? quelle ressource ai-je encore dans mon malheur ? par quel art prolonger ta vie ? Puis-je résister à ce monstre ? Il ne me reste plus qu’à m’éloigner. Oiseaux de malheur, ne redoublez pas mon effroi : je vous reconnais au battement de vos ailes et à vos cris sinistres. Je ne m’abuse pas sur les ordres impérieux du grand Jupiter. Voilà donc le prix dont il paie ma virginité ! Pourquoi m’a-t-il rendue immortelle et affranchie du trépas ? Du moins, je pourrais terminer de si cruelles douleurs, et mon ombre suivrait celle de mon malheureux frère. Immortelle ! moi ! mais quel bien peut m’être agréable sans toi, ô mon frère ? Oh ! que la terre plutôt s’entr’ouvre sous mes pas, et m’engloutisse, quoique déesse, dans ses abîmes les plus profonds ! » Elle dit, et, poussant un long gémissement, elle couvre sa tête d’un voile azuré, et se plonge au fond du fleuve.

Énée cependant presse de plus en plus son rival : la main armée d’un énorme javelot, il lui adresse ces dures paroles : « Que veut dire ce nouveau délai, Turnus, et que tardes-tu encore ? Ce n’est plus à la course, c’est de près, c’est avec des armes redoutables qu’il faut combattre. Prends toutes les formes que tu voudras ; imagine, mets en usage tout ce que peut le courage ou l’artifice ; souhaite de t’envoler jusqu’aux astres ou de te cacher au fond des entrailles de la terre. — Cruel ennemi, lui répond Turnus