Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/701

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en secouant la tête, cesse de m’insulter ; ce ne sont pas tes vaines bravades qui m’épouvantent : ce sont les dieux, c’est Jupiter, déclaré contre moi. »

Sans en dire davantage, il aperçoit dans la plaine une énorme pierre, borne antique et gigantesque qui, par hasard, se trouvait là pour marquer les limites de deux champs voisins et prévenir ainsi les procès. À peine douze hommes des plus vigoureux, tels que maintenant la terre les produit, pourraient-ils en supporter le poids sur leurs épaules. Turnus la saisit d’une main frémissante ; et, se redressant de toute sa hauteur, il prend son élan pour la jeter à son ennemi ; mais il ne se reconnaît plus lui-même, quand il s’agit de courir, de se précipiter sur son adversaire, de soulever ou de mouvoir ce poids énorme. Ses genoux chancellent ; son sang glacé se fige dans ses veines. La pierre roule sans force dans le vide des airs, et s’arrête sans pouvoir franchir l’espace et atteindre le but. Ainsi, quand le repos de la nuit a fermé nos yeux appesantis par le sommeil, nous essayons en songe des courses impuissantes : vains efforts, au milieu desquels la fatigue nous accable. Notre langue est sans mouvement ; notre corps cherche en vain ses forces accoutumées ; la voix et la parole nous font défaut : ainsi l’implacable Furie déjoue tous les efforts que tente le courage de Turnus. En proie à une foule de sentiments