Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/703

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de Daunus ; rends-moi aux miens, ou, si tu l’aimes mieux, rends-leur mon corps privé de la vie. La victoire te reste, et les Ausoniens ont vu Turnus vaincu te tendre les mains. Lavinie est ton épouse : ne porte pas plus loin la haine. » Énée, encore dans l’ardeur du combat, s’arrête, en roulant les yeux ; son bras, prêt à frapper, reste suspendu : déjà la pitié pénétrait de plus en plus dans son cœur hésitant, quand il vit briller sur l’épaule de Turnus le fatal baudrier, qu’il connaissait si bien : ce baudrier du jeune Pallas, dont le guerrier rutule chargeait ses épaules, comme d’un trophée, depuis le jour où il avait renversé sous ses coups le fils d’Évandre. À la vue de ces dépouilles, monuments d’une douleur cruelle, Énée, enflammé de fureur, et terrible de colère : « Toi que pare la dépouille des miens, s’écrie-t-il, tu m’échapperais ! C’est Pallas qui t’immole par ma main, Pallas qui se venge dans ton sang criminel. »

En disant ces mots, le bouillant Énée lui plonge son glaive au fond de la poitrine. Aussitôt le froid de la mort glace les membres de Turnus, et son âme indignée s’enfuit en gémissant chez les ombres.

FIN.