Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/702

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divers, il promène un regard inquiet sur la ville et sur les Rutules. Tremblant, incertain, il ne voit que le trait fatal qui le menace : plus de moyen d’échapper ni d’assaillir son ennemi : son char, sa sœur qui le guidait, tout a disparu.

Au milieu de cette irrésolution, Énée, le javelot en main, épie le moment favorable, et, rassemblant toutes ses forces, lance de loin le trait homicide. Jamais la pierre chassée violemment par une machine de guerre ne fait un bruit plus formidable ; jamais la foudre n’éclate avec un tel fracas. Le javelot d’Énée, comme un noir tourbillon, vole, portant avec lui la mort cruelle, perce l’extrémité de la cuirasse et les bords sinueux du bouclier formé de sept cuirs épais, et pénètre en sifflant dans le milieu de la cuisse. Turnus tombe, frappé, en pliant le jarret, et couvre la terre de son corps de géant.

Les Rutules poussent un cri lamentable, dont retentissent les monts d’alentour, et que répètent au loin les forêts profondes.

Turnus tourne humblement vers Énée ses yeux et sa voix suppliante : « Je l’ai mérité, dit-il : je ne te demande pas la vie : use de ta fortune. Mais si la douleur d’un père infortuné peut émouvoir ton cœur, je t’en conjure, souviens-toi d’Anchise qui fut pour toi un père tel que le mien, et prends pitié de la vieillesse