Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/96

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Les bergers le saisissent (car, depuis longtemps le vieillard les leurrait de l’espoir d’une chanson), et l’enchaînent avec ses propres guirlandes. Églé se joint à eux et les encourage, Églé, la plus belle des Naïades ; et au moment où Silène ouvre les yeux, elle lui rougit avec le jus de la mûre et le front et les tempes. Lui, riant de leur malice : « À quoi bon ces liens ? dit-il ; déliez-moi, enfants ; c’est assez d’avoir pu me surprendre. Ces chants que vous demandez, vous allez les entendre. Pour vous les chants ; à Églé, je réserve un autre salaire. » Aussitôt il commence.

Alors vous eussiez vu les Faunes et les animaux sauvages s’ébattre en cadence autour de lui, et les chênes les plus durs balancer leur cime harmonieuse. Avec moins de joie le Parnasse entendait la lyre d’Apollon ; le Rhodope et l’Ismare écoutaient avec moins de ravissement les accords d’Orphée.

Car il chantait comment, dans l’immensité du vide, se rassemblèrent les principes créateurs de la terre, des mers, de l’air et du feu fluide ; comment de ces premiers éléments sortirent tous les êtres ; comment, molle argile d’abord, le globe s’arrondit en une masse solide, se durcit peu à peu, força Thétis à se renfermer dans ses limites, et prit insensiblement mille formes différentes. Il chantait la terre, étonnée aux premiers rayons du so-