Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donner une sévère leçon. Entraîné par la douleur et la surprise, il descendit en toute hâte de l’arbre, renversant ses camarades, au péril évident de se rompre les jambes ; et sans écouter ni arguments, ni prières, ni menaces, il se sauva lestement, courut par la route la plus sûre rejoindre le corps d’armée auquel il appartenait, et refusa, quoiqu’on puisse lui dire ou lui promettre, de revenir à l’attaque.

Quant à Jenny, après avoir ainsi jeté sur la tête d’un de ses admirateurs les viandes que ses blanches mains avaient naguère pris la peine de préparer pour l’estomac d’un autre, elle continua ses cris d’alarme, débitant une lugubre énumération de tous les crimes que les législateurs appellent les quatre plaids de la couronne, le meurtre, le feu, le rapt et le vol. Ces effrayantes clameurs jetèrent tant d’épouvante et mirent tant de confusion dans le château, que le major Bellenden et lord Evandale jugèrent qu’il valait mieux cesser de défendre les ouvrages extérieurs, les abandonnant à l’ennemi, et se retirer dans l’enceinte du château, de crainte d’être surpris par quelque endroit mal défendu. Ils ne furent point inquiétés dans leur retraite, car la frayeur de Cuddie et de ses compagnons avait causé presque autant de désordre parmi les assiégeants que les exclamations de Jenny parmi les assiégés.

Aucun des deux partis ne tenta de renouveler le combat ce jour-là. Les rebelles avaient beaucoup souffert, et d’après la peine qu’ils avaient eue à s’emparer des premiers retranchements, ils devaient conclure qu’ils prendraient difficilement le château. D’un autre côté, la situation des assiégés était triste et désespérante. Ils avaient eu dans ces escarmouches deux ou trois hommes tués et plusieurs blessés ; et quoique cette perte fut en proportion beaucoup moins considérable que celle de l’ennemi, qui avait laissé vingt hommes sur la place, ils en souffraient bien davantage, vu leur petit nombre, tandis que les attaques acharnées de leurs adversaires montraient évidemment que les chefs avaient pris la ferme résolution d’emporter la place, et qu’ils étaient bien secondés par le zèle de leurs troupes. Mais s’ils se bornaient à la bloquer, la garnison avait surtout la famine à redouter. Les ordres du major, au sujet des approvisionnements n’avaient été qu’à demi exécutés ; et les dragons, en dépit des avertissements et des défenses, prenaient plaisir à gaspiller les vivres. Ce fut donc absorbé dans un profond sentiment de tristesse que le major Bellenden