Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/302

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lois et nos libertés… Il y aura au moins un Écossais qui mourra en combattant pour elles… Que ceux qui aiment leur pays me suivent ! »

La multitude avait tourné la tête du côté que lui avait indiqué Morton. À la vue des lignes étincelantes des gardes à pied anglais, soutenues par plusieurs escadrons de cavalerie, des canons que les artilleurs braquaient déjà contre le pont, des clans avec leurs plaids bigarrés qui semblaient chercher un gué, à la vue des troupes nombreuses destinées à soutenir l’attaque, les cris de tumulte cessèrent tout à coup, et les insurgés restèrent frappés de consternation, comme si c’eût été une apparition soudaine et non un événement auquel on devait s’attendre. Ils regardaient leurs camarades, puis leurs chefs, avec cet air abattu qu’on remarque chez un malade épuisé par un accès de frénésie. Cependant lorsque Morton, s’élançant de la chaire, se dirigea vers le pont, une centaine de jeunes gens qui lui étaient particulièrement attachés le suivirent.

Burley se tournant vers Macbriar : « Éphraïm, dit-il, c’est la Providence qui nous montre le vrai chemin par la sagesse mondaine de ce jeune homme… Que celui qui aime la lumière suive Burley. — Arrête ; répliqua Macbriar ; ce n’est pas par Henri Morton ni par ses pareils que nous devons être conduits. Reste avec nous. Je crains pour l’armée la trahison de cet Achab sans foi… tu n’iras pas avec lui. Tu es nos chariots et nos cavaliers. — Ne me retiens pas, répondit Burley ; il a dit avec raison que tout est perdu si l’ennemi enlève le pont… ne me retiens pas. Les enfants de cette génération seront-ils plus sages et plus braves que les enfants du sanctuaire ?… Allons, à vos rangs ! suivez vos chefs ! Ne nous laissez pas manquer d’hommes ni de munitions, et maudit soit celui qui abandonnerait l’œuvre en ce grand jour ! »

Ayant ainsi parlé, il marcha à grands pas vers le pont, accompagné d’environ deux cents des plus braves et des plus zélés de ses partisans. Un silence profond, le silence du découragement, suivit le départ de Morton et de Burley. Les officiers profitèrent de ce moment pour rétablir un peu d’ordre dans leurs rangs, recommandant à ceux qui étaient le plus à découvert de se jeter la face contre terre aussitôt que la canonnade commencerait. On exécuta leurs ordres sans résister, sans s’occuper davantage de faire des remontrances ; mais la peur avait succédé à l’enthousiasme, et ces forcenés prirent leurs rangs avec la docilité d’un troupeau ;