Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

berté sans leur permission ; mais puisqu’ils sont partis, ils ne seront pas fâchés que nous obligions un gentilhomme étranger. Miss Bellenden rendrait service à tout le monde, si elle en avait le pouvoir comme la bonne volonté. Sa grand’mère, lady Marguerite, a beaucoup de respect pour la noblesse, et elle n’en est pas moins bonne pour les pauvres gens. Et maintenant, femme, pourquoi ne servez-vous pas la bouillie et les truites ? — Ne vous inquiétez pas, mon cher ami, répliqua Jenny ; vous serez servi quand il en sera temps. Je sais que vous aimez la soupe bien chaude. »

Cuddie remua la tête, et répondit à cette repartie par un sourire d’intelligence : il s’établit ensuite entre sa femme et lui un dialogue de peu d’intérêt, auquel l’étranger ne prit aucune part. Enfin il les interrompit tout à coup par cette question : « Pouvez-vous me dire quand aura lieu le mariage de lord Evandale ? — Très-prochainement, à ce que nous croyons, » répliqua Jenny avant qu’il fût possible à son mari de répondre ; « il n’a été retardé qu’à cause de la mort du vieux major Bellenden. — Le brave vieillard ! dit l’étranger. J’ai appris sa mort à Édimbourg… A-t-il été long-temps malade ? — On ne peut pas dire qu’il ait eu sa tête à lui depuis le jour où sa belle-sœur et sa nièce ont été chassées du château… Il avait lui-même emprunté pour soutenir le procès ;… mais c’était sur la fin du règne du roi Jacques ; et Basile Olifant, qui prétendait à la possession de l’héritage, s’était fait papiste pour plaire au gouvernement : dès lors on n’avait plus rien à lui refuser. Ainsi, après avoir long-temps plaidé, les dames ont été condamnées : et comme je vous l’ai dit, depuis cette époque, le major n’a plus eu sa tête à lui. Puis est survenue l’expulsion des Stuarts ; et quoiqu’il n’eut guère de motifs de les aimer, il en eut le cœur brisé. Ses créanciers vinrent à Charnwood, et s’emparèrent de tout… Il ne fut jamais riche, le bon vieillard, car il ne pouvait voir personne dans le besoin. — En effet, c’était un bien digne homme : du moins c’est ce que j’ai entendu dire, » reprit l’étranger en balbutiant. « Ainsi, continua-t-il, les dames se trouvèrent en même temps sans fortune et sans protecteur ? — Elles ne manqueront jamais de l’un ni de l’autre tant que lord Evandale vivra, dit Jenny ; il a été pour elles un véritable ami pendant leurs malheurs. La maison où elles demeurent est à Sa Seigneurie ; et, comme ma vieille belle-mère avait coutume de le dire, jamais homme, depuis le temps du patriarche Jacob, n’a fait tant de sacrifices pour obtenir une femme. — Et pourquoi, » dit l’étranger