Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/350

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d’une voix émue, « pourquoi n’a-t-il pas été plus tôt récompensé par l’objet de son attachement ? — Il fallait, répondit Jenny, que le procès fût terminé, ainsi que beaucoup d’autres affaires de famille. — Bah ! reprit Cuddie, il y avait une autre raison ; c’est que la jeune lady… — Voulez-vous bien retenir votre langue et manger votre bouillie ? s’écria sa femme. Je vois que monsieur ne se trouve pas bien, et que notre mauvais souper ne lui plaît pas : je vais tuer un poulet pour lui, ce ne sera pas long. — Il n’est pas nécessaire, répliqua l’étranger ; je ne vous demande qu’un verre d’eau, et la permission de me retirer. — Prenez-donc la peine de me suivre, » dit Jenny en allumant une petite lanterne ; je vous montrerai le chemin. »

Cuddie offrit aussi ses services ; mais sa femme lui fit observer que les enfants, si on les laissait seuls, se battraient entre eux, et pourraient tomber dans le feu. Il resta donc pour les surveiller.

Jenny entra la première dans un petit sentier tournant, qui, après avoir traversé quelques touffes d’églantiers et de chèvrefeuilles, aboutissait à la porte de derrière d’un petit jardin. Elle leva le loquet ; puis elle conduisit le voyageur à travers un parterre dessiné à l’ancienne mode, avec ses bordures en ifs bien taillés, ses plates-bandes régulières, jusqu’à une porte vitrée qu’elle ouvrit avec un passe-partout : allumant alors une chandelle qu’elle déposa sur une petite table à ouvrage, elle demanda pardon à son hôte de le laisser seul pour quelques minutes, afin d’aller préparer son appartement. Elle eut fini en peu d’instants ; mais quel fut son étonnement, à son retour, de le trouver la tête appuyée sur la table ! elle le crut évanoui. Néanmoins s’étant approchée, elle reconnut à ses sanglots entrecoupés qu’il était en proie à un violent chagrin. Elle se recula prudemment jusqu’à ce qu’il levât la tête ; et alors, feignant de n’avoir pas remarqué son agitation, elle l’informa que son lit était prêt. L’étranger fixa un moment ses yeux sur elle, comme s’il eût tâché de comprendre le sens de ses paroles. Elle les répéta ; il lui fit signe de la tête qu’il l’avait comprise, et entra dans l’appartement dont elle lui indiquait la porte. C’était une petite chambre à coucher, occupée ordinairement par lord Evandale quand il venait passer quelque temps à Fairy-Knowe, à ce que lui apprit Jenny. Cette chambre était, d’un côté, attenante à un petit cabinet, meublé à la chinoise, qui ouvrait sur le jardin, et de l’autre à un salon dont elle n’était séparée que par une cloison en bois. Jenny souhaita à l’étranger