Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/351

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une meilleure santé et une bonne nuit, et descendit chez elle le plus vite qu’elle put.

« Cuddie ! » cria-t-elle à son mari en entrant, » nous sommes des gens perdus ! — Comment cela ? qu’y a-t-il donc ? » répondit l’imperturbable Cuddie ; car il n’était pas homme à s’alarmer aisément. — Qui croyez-vous que soit ce gentilhomme ?… Oh ! plût à Dieu que vous ne lui eussiez jamais dit de s’arrêter ici ! » continua Jenny d’un ton fort élevé. — Qui diable voulez-vous donc qu’il soit ? Il n’y a plus maintenant de loi qui défende de donner asile et de recevoir chez soi qui bon nous semble, répondit Cuddie ; ainsi, whig ou tory, que nous importe ? — Oui ; mais c’est un homme qui fera encore manquer le mariage de lord Evandale, si l’on n’y prend garde. C’est l’ancien amant de miss Édith, c’est votre ancien maître, Cuddie ! — Au diable ! » s’écria Cuddie en se levant brusquement ; « croyez-vous que je sois aveugle ? J’aurais reconnu M. Henri Morton parmi cent personnes. — Oui, mon cher Cuddie ; mais, quoique vous ne soyez pas aveugle, je vois plus clair que vous, répliqua Jenny. — Qu’avez-vous besoin de me venir chanter cela ? et, d’ailleurs, qu’avez-vous vu en cet homme qui le fasse ressembler à mon ancien maître, à M. Henri Morton ? — Je vais vous le dire, répondit Jenny. J’ai observé qu’il détournait le visage, et qu’en parlant il prenait une petite voix douce. Je l’ai éprouvé par des contes de l’ancien temps, et quand j’ai parlé de la soupe chaude, vous savez, il a eu de la peine à ne pas rire, tout sérieux qu’il est aujourd’hui ; mais j’ai vu à un petit mouvement de ses yeux qu’il comprenait bien ce que je disais… Son chagrin vient du mariage de miss Édith, et je n’ai de ma vie vu un homme plus véritablement amoureux… Je pourrais dire aucune femme ni aucun homme… si ce n’était que je me rappelle quelle fut la douleur de miss Édith quand elle entendit dire que vous et lui, méchant sujet, vous marchiez contre Tillietudlem avec les rebelles. Mais que faites-vous donc là ? — Ce que je fais ? » répondit Cuddie qui remettait à la hâte quelques parties de son vêtement qu’il avait déjà ôtées, « je vais à l’instant voir mon maître. — Non, vous n’irez pas, » répondit Jenny d’un air froid et déterminé. — « Cette femme a le diable au corps ! reprit Cuddie : croyez-vous que je serai l’homme de John Tamson, et que je me laisserai jusqu’à mon dernier jour mener par des femmes ? — Et de qui donc êtes-vous le mari ? et par qui donc vous laisserez-vous conduire, si ce n’est par moi,