Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/65

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Balfour paraissait un peu troublé, mais il se remit aussitôt ; et composant son visage, il répondit froidement : « Il est naturel que vous pensiez de la sorte ; vous êtes encore dans le cachot de la loi, dans une fosse plus noire que celle où fut plongé Jérémie, dans une prison plus ténébreuse que celle où fut jeté Malcaïa, le fils d’Amelmelech, dans laquelle il n’y avait point d’eau, mais de la fange ; et cependant le sceau du Covenant est sur votre front ; le fils du juste, qui sut résister à la voix du sang quand la bannière fut déployée sur les montagnes, ne restera pas dans l’oubli comme un fils des ténèbres. Croyez-vous donc que, dans ces temps d’amertume et de calamités, on ne doive exiger de nous que l’obéissance à la loi morale, proportionnée à notre fragilité ? Pensez-vous qu’il suffise de subjuguer la méchante et corruptible nature de nos affections et de déraciner nos mauvais penchants ? Non, notre tâche s’étend au-delà. Une fois que nous avons ceint nos reins, il nous faut courir dans la lice avec courage ; et quand nous avons tiré l’épée, il nous est enjoint de frapper l’impie, fût-il notre voisin, et l’homme puissant et cruel, fût-il notre sang, fût-il l’ami de notre cœur. — Voilà les sentiments que vous reprochent vos ennemis, dit Morton ; sentiments qui excusent en quelque sorte les mesures cruelles que le conseil a dirigées contre vous. On assure que vous prétendez que toutes vos actions dérivent de ce que vous appelez lumière intérieure, laquelle rejette le frein de la loi commune et se joue même de l’humanité quand tous ces liens sacrés se trouvent en opposition avec ce que vous nommez l’esprit intérieur. — On nous calomnie, répliqua le covenantaire[1] ; ce sont eux, parjures qu’ils sont, qui ont rejeté toute loi divine et humaine, et qui à cette heure nous persécutent, à cause de la fidélité que nous gardons à l’alliance solennelle et au Covenant entre Dieu et le royaume d’Écosse ; alliance que tous ont jurée en d’autres temps, sauf quelques maudits papistes ; alliance qui, aujourd’hui objet de division, est brûlée et foulée aux pieds sur les places publiques. Quand ce Charles Stuart est rentré dans ses royaumes, sont-ce ces âmes diaboliques qui l’ont ramené ? Ils l’avaient essayé de tout leur pouvoir, mais ils n’ont pas réussi, je

  1. Membre du Covenant, ligue dont l’objet était une renonciation au papisme, par laquelle les signataires s’obligeaient à repousser les innovations religieuses, et à se défendre les uns les autres contre toute oppression. Plusieurs modifications, introduites dans le culte public par Charles Ier, donnèrent lieu à cette ligue, où les invectives n’étaient pas épargnées, dans la vue d’enflammer les esprits et d’augmenter le fanatisme. a. m.