Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/18

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buck de Monkbarns, furent si indiscrètement exposées au grand jour, une discussion s’éleva entre nous sur la cause de la popularité qu’obtinrent dans ce siècle frivole des ouvrages qui, quel que soit leur mérite intrinsèque, doivent être regardés comme écrits à la hâte et comme violant toutes les règles de l’épopée. Il vous parut alors que l’intérêt provenait entièrement de l’art avec lequel l’auteur s’était, comme un autre Mac Pherson[1], emparé des trésors de l’antiquité épars autour de lui, suppléant à sa paresse, ou à sa pauvreté d’invention, par les événements remarquables arrivés dans sa patrie à une époque peu éloignée, introduisant des personnages réels et déguisant à peine leur véritable nom. Il n’y a pas soixante ou soixante-dix ans, me fîtes-vous observer, que tout le monde de l’Écosse vivait sous une forme de gouvernement presque aussi simple et aussi patriarcale que celui de nos bons alliés les Mohawks et les Iroquois[2]. En admettant que l’auteur ne puisse passer pour un contemporain de ces faits, il doit avoir vécu, disiez-vous, au milieu des personnes qui y ont figuré en quelque manière ; et même, durant les trente années qui viennent de s’écouler, une si grande métamorphose s’est opérée dans les mœurs de l’Écosse, que nous considérons les habitudes sociales de nos pères avec autant de surprise que si elles dataient du règne de la reine Anne. Au milieu de matériaux si nombreux et si variés, l’auteur, ajoutiez-vous, n’avait plus guère que l’embarras du choix. Et vous conclûtes tout naturellement qu’ayant exploité une mine si riche, il ne fallait pas s’étonner si ses ouvrages lui avaient rapporté plus de gloire et de profit que n’en méritait la facilité de ses travaux.

En adoptant, comme je ne pouvais m’y refuser, la vérité générale de ces observations, je ne saurais m’empêcher de trouver étonnant qu’aucune tentative n’ait encore été faite pour éveiller, en faveur des traditions et des mœurs de la vieille Angleterre, un genre d’intérêt semblable à celui qu’ont excité nos voisins, plus pauvres et moins célèbres. Le drap vert de Kendal[3], quoique d’une origine plus reculée, doit assurément être aussi précieux pour nous que les tartans bariolés du nord. Le nom de Robin-Hood, habilement évoqué, ferait aussi sûrement apparaître une ombre que celui de Rob-Roy[4] ; et les patriotes de l’Angleterre ne méritent pas moins d’être

  1. Restaurateur ou auteur des poèmes d’Ossian. a. m.
  2. Indiens du Canada. a. m.
  3. Ville manufacturière du comté de Westmoreland. a. m.
  4. personnage du roman de ce nom, chef du clan de Mac-Gregor. a. m.