Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/215

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Cedric se promenait à grands pas en s’abandonnant à sa fureur et à mille réflexions sur le passé et le présent, tandis que l’apathie de son compagnon lui tenait lieu de patience et de philosophie pour l’aider à tout endurer, si ce n’est le désagrément de sa position actuelle. Il y était même si peu sensible que les explosions de colère de son ami Cedric pouvaient à peine, à de longs intervalles, éveiller sa sympathie.

« Oui, » dit ce dernier, moitié se parlant à lui-même, moitié s’adressant à Athelstane, « ce fut dans cette même salle que mon père dîna avec Torquil Wolfganger lorsque celui-ci reçut le vaillant et infortuné Harold qui s’avançait contre les Norwégiens réunis au rebelle Tosti. Ce fut dans cette salle que Harold fit une si belle réponse à l’envoyé de son frère révolté. Combien de fois mon père ne m’a-t-il pas conté cette histoire avec enthousiasme ! L’envoyé de Tosti fut admis dans cette salle où la foule des nobles chefs saxons, assis au même banquet et entourant leur monarque, était si grande qu’à peine pouvait-elle les contenir.

— J’espère, » dit Athelstane que cette fin du discours de son ami tira de son demi-sommeil, « j’espère qu’on n’oubliera pas de nous envoyer du vin et des rafraîchissements à l’heure de midi ; à peine avons-nous eu le temps de déjeuner. D’ailleurs, quoique les médecins préconisent l’usage de manger en descendant de cheval, je ne m’en suis jamais bien trouvé. »

Cedric continua son histoire sans faire aucune attention à l’interruption de son ami.

« L’envoyé de Tosti s’avança dans cette salle sans être intimidé par la contenance rébarbative de ceux qui l’entouraient, et vint se placer près du trône de Harold. « Seigneur roi, lui dit-il, quelles conditions peut espérer ton frère s’il dépose les armes et te demande la paix ? — L’amour d’un frère, » répondit le généreux Harold, « et le beau comté de Northumberland. — Et si Tosti accepte ces conditions, reprit l’ambassadeur, quelles terres assignerez-vous à son fidèle allié Hardrada, roi de Norwége ? — Sept pieds de terrain, » reprit fièrement Harold ; « ou, comme Hardrada passe pour un géant, peut-être lui en céderons-nous quelques pouces de plus. » La salle retentit d’acclamations, et les chefs saxons, en vidant leurs coupes, exprimèrent le vœu que le Norvégien fût bientôt mis en possession de son nouveau domaine.

— Je ferais comme eux de toute mon âme, dit le noble Athelstane, car la soif colle ma langue à mon palais.