CHAPITRE II.
Nonobstant les exhortations et les gronderies de son compagnon, le bruit du pas des chevaux continuant d’approcher, Wamba ne pouvait s’empêcher de ralentir occasionnellement sa marche, en saisissant tous les prétextes que la route lui offrait : tantôt c’était pour cueillir dans le taillis quelques noisettes à demi mûres, tantôt c’était pour retourner la tête et lorgner une jeune fille de campagne qui croisait la route. La cavalcade les rejoignit donc bientôt.
Elle était composée de dix personnes ; les deux qui marchaient à leur tête semblaient des gens de haut parage ; les autres leur servaient de cortège. Il n’était pas difficile de distinguer la condition et le caractère de l’un de ces personnages ; c’était évidemment un ecclésiastique d’un rang élevé ; il portait l’habit de l’ordre de Cîteaux, mais d’une étoffe beaucoup plus fine que ne l’admettait la règle de l’ordre ; son manteau et son capuchon étaient du meilleur drap de Flandre, et formaient une draperie large et gracieuse autour de lui, malgré la corpulence de sa personne. Il avait un extérieur assez agréable, qui n’annonçait pas plus le jeûne et les macérations que ses habits n’attestaient le mépris du faste et de l’opulence terrestres. Ses traits pouvaient passer pour réguliers ; mais de ses paupières baissées jaillissait fréquemment l’étincelle d’un œil épicurien qui décelait en même temps un amateur de la bonne chère et des plaisirs voluptueux. Du reste sa profession et son rang lui avaient appris à dominer sa contenance, qu’il pouvait changer à volonté, en apparence grave, quoiqu’elle fût naturellement enjouée et sociable. Malgré les règles de son couvent, les bulles du pape, et les canons des conciles, les manches de ce dignitaire de l’Église étaient garnies