Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/389

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« Si je pouvais voir mon guide, pensait-elle, je saurais s’il a remis ma lettre. Si je pouvais même voir Tressilian, il vaudrait encore mieux m’exposer à la colère de Dudley en confiant ma triste situation à un homme qui est l’honneur même, que de courir le risque de me voir insultée de nouveau par les insolents valets de ce lieu de désordre. Je ne veux plus me renfermer dans un appartement. J’attendrai… je saisirai l’occasion. Au milieu de tant de créatures humaines il doit se trouver quelque bon cœur capable de comprendre ce que le mien souffre, et d’y compatir. »

En effet, plus d’une société entra dans les jardins et les traversa. Mais c’étaient des groupes joyeux de quatre ou cinq personnes, riant et plaisantant ensemble avec la gaîté d’un esprit libre de soucis. La retraite qu’avait choisie la comtesse lui permettait de se tenir cachée. Elle n’avait pour cela qu’à se retirer dans la profondeur d’une grotte décorée d’ornements rustiques et de sièges de mousse, et terminée par une fontaine. Là elle pouvait aisément rester cachée ou se découvrir, à son gré, à quelque promeneur solitaire que la curiosité pouvait attirer dans cette retraite romantique. Dans l’attente d’une occasion de ce genre, elle se regarda dans le clair bassin que la silencieuse fontaine lui présentait comme un miroir, et fut effrayée de son aspect au point de douter que, défigurée comme elle croyait l’être par son déguisement, aucune femme (car c’était surtout de son propre sexe qu’elle attendait le plus de compassion) consentît à entrer en conversation avec une personne d’une tournure aussi suspecte. En raisonnant ainsi, et comme une femme pour laquelle il n’est presque pas de circonstance dans la vie où le soin de son extérieur n’ait de l’importance, et comme une beauté qui avait quelque confiance dans le pouvoir de ses charmes, elle se débarrassa de son manteau de voyage et de son capuchon, et les mit à côté d’elle, afin de pouvoir les reprendre à l’instant, et avant que personne put arriver jusqu’à l’extrémité de la grotte, dans le cas où la présence importune de Varney ou de Lambourne lui rendrait ce déguisement nécessaire. Le costume qu’elle portait sous ses vêtements était d’un genre un peu théâtral et pouvait convenir au personnage fictif d’une des femmes qui devaient jouer un rôle dans la fête. Wayland, qui, dès le premier jour de leur voyage, avait été frappé de l’avantage de s’être fait passer pour un des acteurs, lui avait procuré le lendemain cet habillement. La fontaine lui offrant à la fois le miroir et l’eau qui lui étaient si nécessaires, Amy en profita pour faire promptement une courte toilette. Elle