Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/93

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tif suffisant de le cacher en cette circonstance. Cet homme de Cornouailles, ce Trevanion, ou Tressilian, quel que soit son nom, fréquente la maison du vieux chevalier, et doit nécessairement être au fait de tout ce qu’on y dit.

— Milord, répondit la comtesse, je ne le crois pas. Mon père a toujours été cité comme un galant homme ; quant à Tressilian, si nous pouvons nous pardonner le mal que nous lui avons fait, je jurerais, par le titre que je dois partager un jour avec vous, qu’il est incapable de rendre le mal pour le mal.

— Je ne m’y fierais pourtant point, Amy, dit le comte ; non, je ne m’y fierais point… j’aimerais mieux mettre le diable dans notre secret que ce Tressilian.

— Et pourquoi, milord ? » dit la comtesse, quoiqu’un peu effrayée du ton de résolution dont il parlait ; « apprenez-moi pourquoi vous pensez tant de mal de Tressilian.

— Madame, répliqua le comte, ma volonté doit être un motif suffisant. Si vous voulez en savoir davantage, considérez que ce Tressilian est ligué contre moi, et avec qui… Il jouit du plus grand crédit près de ce Radcliffe, de ce Sussex, contre lequel j’ai sans cesse à lutter pour me maintenir dans l’esprit de notre soupçonneuse maîtresse, et s’il avait sur moi un tel avantage que celui d’être instruit de notre mariage avant qu’Élisabeth y fût convenablement préparée, je serais exclu de ses bonnes grâces pour toujours… ma faveur et ma fortune seraient probablement perdues : car elle a dans son caractère une touche de celui de son père Henri… et je serais victime, oui victime de son amour-propre offensé et de ses jaloux ressentiments.

— Mais pourquoi, milord, » répéta encore son épouse, « pourquoi avez-vous aussi mauvaise opinion d’un homme que vous connaissez si peu ? Tout ce que vous savez de Tressilian, c’est de moi que vous l’avez appris, et c’est moi qui vous garantis qu’en aucun cas il ne trahira votre secret. Si je lui ai fait tort pour l’amour de vous, je ne suis maintenant que plus intéressée à ce que vous lui rendiez justice. Vous êtes blessé de ce que je parle de lui ; que diriez-vous si je l’avais vu tout récemment ?

— Si vous l’aviez vu, vous feriez bien de tenir cette entrevue aussi secrète que ce qui se dit dans un confessionnal. Je ne veux la ruine de personne ; mais celui qui voudrait s’immiscer dans mes secrets ferait bien de se tenir sur ses gardes. L’ours ne souffre pas qu’on le traverse dans sa course terrible.