Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chemin au milieu de cette scène de tumulte et d’horreur, car son imagination en redoutait une plus terrible que celle qui frappait dans ce moment sa vue et ses esprits. Quiconque eût vu Quentin Durward dans cette nuit fatale l’eût classé parmi les plus grands fous ; quiconque eût apprécié la cause qui le faisait agir l’eût rangé au nombre des héros de roman.

En s’approchant de Schonwaldt par le même côté qu’il en était parti, il rencontra plusieurs fuyards qui, se précipitant vers le bois, l’évitèrent comme un ennemi, parce qu’il venait par une direction opposée à celle qu’ils suivaient. Arrivé plus près du château, il put entendre, et même presque voir, des hommes qui se laissaient glisser des murs du jardin dans les fossés, tandis qu’il lui semblait que d’autres étaient précipités des créneaux par les assaillants. Son courage n’en fut pas ébranlé un seul instant. Il n’avait pas le temps de chercher l’esquif, quand même il lui eût été possible de s’en servir ; il ne fallait pas davantage songer à approcher de la poterne du jardin, obstruée comme elle l’était par de nombreux fuyards, pressés et renversés par ceux qui les suivaient et tombant dans le fossé qu’ils ne pouvaient traverser.

Évitant cet endroit, Quentin se jeta à la nage près de ce que l’on appelait la petite porte du château, où un pont-levis était encore levé. Il évita non sans peine la main de plus d’un malheureux qui, se sentant enfoncer, cherchait à s’accrocher à lui. Parvenu auprès du pont-levis, il saisit une des chaînes qui pendaient, et, grâce à son agilité, il parvint, après de grands efforts, à se tirer de l’eau. Il allait atteindre la plate-forme du pont, lorsqu’un lansquenet accourut vers lui, et levant son sabre ensanglanté, se disposait à lui porter un coup qui bien certainement eût été celui de la mort. « Comment donc, camarade ! » dit Quentin d’un ton d’autorité ; « est-ce ainsi que vous secourez un ami ? Donnez-moi la main. »

Le soldat, sans répondre un mot, et avec un peu d’hésitation, lui tendit la main, et l’aida à monter sur la plate-forme ; alors, sans lui laisser le temps de réfléchir, Durward, s’écria du même ton d’autorité : « À la tour de l’Ouest, si vous voulez vous enrichir. Le trésor de l’évêque est dans la tour de l’Ouest. — À la tour de l’Ouest, le trésor est dans la tour de l’Ouest ! » répéta-t-on de tous côtés ; et les traîneurs qui les entendirent, semblables à des loups furieux, se précipitèrent dans le chemin opposé à celui que Quentin, mort ou vif, était résolu de suivre.