Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/288

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Avec la même audace que s’il eût été, non du nombre des vaincus, mais au nombre des vainqueurs, il se rendit directement au jardin, qu’il traversa plus aisément qu’il ne devait s’y attendre. Le cri « À la tour de l’Ouest ! » avait attiré vers cette tour une partie des assaillants, et le son de la trompette, des cris de guerre, appelaient en ce moment les autres pour repousser une sortie que les défenseurs de la tour principale, ayant placé l’évêque au milieu d’eux, s’apprêtaient à tenter, en désespoir de cause, pour se frayer un chemin et sortir du château. Quentin se dirigea donc vers le jardin d’un pas rapide, et le cœur agité par l’espérance et par la crainte, se recommandant à ces puissances célestes qui l’avaient protégé dans les nombreux périls auxquels sa vie avait été exposée, et déterminé à vaincre ou à mourir dans cette entreprise désespérée.

Comme il s’apprêtait à y entrer, trois hommes fondirent sur lui la lance levée et criant : « Liège ! Liège ! » Se mettant en défense, mais sans frapper, il répondit : « France ! France ! ami de Liège ! — Vive la France ! » s’écrièrent les bourgeois de Liège, et ils passèrent outre. Le même signal fut un talisman qui le protégea contre l’attaque de quatre ou cinq des soldats de Guillaume de la Marck, qu’il trouva rôdant dans le jardin, et qui coururent sur lui en criant : « Sanglier ! Sanglier ! »

En un mot, Quentin commença à espérer que son caractère prétendu d’envoyé du roi Louis, instigateur secret des insurgés de Liège et protecteur caché de Guillaume de la Marck, pourrait lui faire traverser sans danger les horreurs de cette nuit.

En approchant de la tourelle, il frissonna en trouvant la petite porte latérale par laquelle Marton et la comtesse l’avaient rejoint peu auparavant, obstruée par de nombreux cadavres.

Il en mit précipitamment deux de côté, et il posait le pied sur le troisième pour franchir le seuil de la porte, quand un autre, qui gisait enveloppé de son manteau, le pria de s’arrêter et de l’aider à se relever. Quentin s’apprêtait à employer un moyen peu doux pour se débarrasser d’un obstacle si intempestif, quand le mort supposé ajouta : « Mon armure m’étouffe ; je suis Pavillon, le syndic de Liège ! Si vous êtes des nôtres, je vous enrichirai ; si vous êtes contre nous, je vous protégerai ; mais… mais… ne me laissez pas mourir comme un porc qui étouffe sous son toit. »

Au milieu de cette scène de sang et de confusion, la présence d’esprit de Quentin lui fit apercevoir tout d’un coup que ce digni-