Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/456

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Un certain nombre de ses gens seront armés à la française, et crieront : « France ! saint Louis ! Montjoie ! Saint-Denis ! » comme s’il avait avec lui un corps nombreux de Français auxiliaires. Cela ne manquera pas de jeter le désordre parmi nos Bourguignons, et si le roi Louis, aidé de ses gardes, des gens de sa suite et des soldats qu’il pourra avoir autour de sa personne, veut seconder ses efforts, le Sanglier des Ardennes ne doute pas de la déconfiture totale de l’armée bourguignonne. Voilà mon secret, et je vous le donne. Favorisez ou empêchez l’entreprise, vendez cet avis au roi Louis ou au duc Charles, cela m’est indifférent ; sauvez ou perdez qui bon vous semblera, cela ne m’importe guère. Mon seul regret, c’est de ne pas pouvoir le faire éclater, comme une mine, pour la destruction de tous. — C’est en effet un secret important, » dit Quentin, qui comprit aussitôt combien il était facile d’éveiller le ressentiment national dans un camp composé en partie de Français et en partie de Bourguignons. — Oui important, répondit Hayraddin ; et maintenant que vous le possédez, vous voudriez être déjà bien loin, et me quitter sans m’accorder le service pour lequel je vous ai payé d’avance ? — Dis-moi quel service tu attends de moi : je te le rendrai si cela est en mon pouvoir. — Certes, il n’est pas au-dessus de votre pouvoir : il s’agit du pauvre Klepper, de mon cheval, le seul être vivant à qui ma mort puisse laisser quelques regrets. À un mille d’ici, vers le sud, vous le trouverez paissant près de la hutte déserte d’un charbonnier. Sifflez comme ceci (et en même temps il siffla sur un ton particulier) ; appelez-le par son nom de Klepper et il viendra à vous. Voici sa bride que j’avais mise sous mon manteau, et il est heureux que les chiens qui m’ont arrêté ne me l’aient pas prise, car il n’en saurait porter d’autre. Prenez-le, et ayez-en bien soin, je ne dis pas pour l’amour de son maître, mais parce que j’ai mis à votre disposition l’événement d’un grand combat. Il ne vous manquera jamais au besoin ; la nuit et le jour, la tempête et le calme, la pluie et le beau temps, une écurie chaude ou la rigueur de l’hiver, tout cela est égal pour Klepper. Si j’avais pu gagner la porte de Péronne, et arriver à l’endroit où je l’ai laissé, j’aurais échappé à la mort qui m’attend… Serez-vous un bon maître pour Klepper ? — Je le jure, » répondit Quentin, affecté par ce trait d’attachement qui l’étonna beaucoup dans un caractère si endurci. — Adieu, donc ! dit Hayraddin ; mais non, encore un instant… je ne veux pas être assez discourtois pour oublier, à mes