Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/457

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derniers instants, la commission dont j’ai été chargé par une dame… Voici un billet de la très gracieuse et très sotte épouse du Sanglier des Ardennes à sa nièce aux yeux noirs. Je vois dans vos regards que j’ai bien choisi le messager. Encore un mot ; j’avais oublié de vous dire qu’au milieu de la bourre de ma selle vous trouverez une bourse bien remplie de pièces d’or ; c’est le prix que j’ai reçu pour exposer ma vie dans une aventure qui a si mal tourné pour moi : prenez-les, elles vous indemniseront au centuple des Guilders que vous avez donnés à ces coquins toujours altérés de sang… Je vous fais mon héritier. — Je les emploierai en bonnes œuvres, et en messes pour le repos de ton âme. — Ne prononce plus ce mot ! » s’écria Hayraddin, tandis que sa physionomie prenait une expression épouvantable. « Il n’y a pas d’âme ; il ne peut y avoir, il n’y aura jamais rien de semblable : c’est un rêve inventé par les prêtres. — Infortuné ! reviens à des idées plus sages, n’aggrave pas ton malheur ! Laisse-moi faire venir un prêtre ; j’obtiendrai de ces gens qu’ils diffèrent encore un peu ; j’achèterai d’eux un nouveau délai. Que peux-tu espérer, si tu emportes dans la tombe de telles opinions, si tu meurs dans l’impénitence ? — D’être rendu aux éléments dont mon corps est composé, » répondit l’athée endurci, en pressant contre sa poitrine ses bras chargés de liens. « Mon espoir, ma croyance, mon désir, c’est que ce composé mystérieux se fondra dans la masse générale d’où la nature tire chaque jour, pour les reproduire sous d’autres formes, les substances que chaque jour voit disparaître : les parties aqueuses s’uniront aux rivières, ou bien, s’élevant dans la région des nuages, retomberont avec les pluies ; les parties terrestres enrichiront la terre, notre mère commune ; les particules aériennes voltigeront au gré des vents, et les particules ignées iront entretenir les flammes d’Aldebaran et de ses frères. Telle est la croyance dans laquelle j’ai vécu, dans laquelle je veux mourir ! Laissez-moi, partez ; ne me troublez pas davantage : j’ai prononcé la dernière parole que l’oreille d’un mortel entendra jamais sortir de ma bouche. »

Saisi d’horreur à la vue d’un tel endurcissement, Durward vit bien qu’il n’y avait aucun espoir de faire comprendre à ce malheureux l’affreux avenir qui le menaçait. Il lui fit donc ses adieux, mais Hayraddin n’y répondit que par un léger signe de tête, tel qu’un homme qui, absorbé dans une profonde rêverie, supporte avec impatience que l’on en interrompe le cours. Quentin entra