Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/114

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à se procurer quelque nourriture pour elle-même, lui recommandant de faire, lorsqu’elle reviendrait, le moins de bruit possible, et de ne point troubler son repos si elle avait eu le bonheur de s’endormir. Arnold Biederman embrassa sa nièce et retourna dans la salle où ses collègues étaient impatients de commencer l’attaque des provisions qui étaient toutes prêtes : opération à laquelle les jeunes gens de l’escorte, diminués par les patrouilles et les sentinelles, n’étaient pas moins disposés que leurs anciens.

Le signal de l’assaut fut donné par le député de Schwitz, le plus âgé de la compagnie, qui prononça d’un ton patriarcal la bénédiction du repas. Les voyageurs commencèrent alors leurs opérations avec une vivacité qui montrait que l’incertitude de savoir s’ils trouveraient à manger, et le retard auquel à leur avait fallu se soumettre pour s’arranger dans leurs quartiers, avaient infiniment accru leur appétit. Le landamman lui-même, dont la modération approchait parfois de l’abstinence, parut ce soir-là d’une humeur plus gaie qu’à l’ordinaire. Son ami Schwitz, suivant son exemple, mangea, but et parla plus que de coutume, tandis que les autres députés donnaient au repas l’air d’une orgie. Le vieux Philipson regarda ce spectacle d’un œil attentif et inquiet, ne s’adressant jamais à la bouteille que pour faire raison aux santés auxquelles la politesse du temps lui ordonnait de répondre. Son fils avait quitté la salle au commencement même du banquet, et de la manière que nous allons rapporter.

Arthur avait proposé de se joindre aux jeunes gens qui devaient monter la garde à l’intérieur, ou faire des patrouilles en dehors de leur habitation momentanée ; il avait même pris des arrangements à ce sujet avec Sigismond, le troisième des fils du landamman. Mais pendant qu’il cherchait à lancer un coup d’œil d’adieu à Anne de Geierstein, avant d’offrir ses services comme il l’avait déjà proposé, il remarqua sur son visage une telle expression de froideur et de sévérité, qu’il ne songea plus absolument à autre chose qu’à former des conjectures sur les motifs qui avaient pu occasionner un pareil changement. Cette figure tranquille et ouverte, ces yeux qui exprimaient une conscience calme et sans crainte, ces lèvres qui, secondées par un regard aussi franc que ses paroles, étaient toujours prêtes à dire avec bonté et confiance ce que le cœur dictait ; tout enfin dans ce moment avait en elle complètement changé de caractère et d’expression, et à tel point, de telle manière qu’aucune cause ordinaire ne pouvait expliquer ce changement d’une