Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/182

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Le fidèle écuyer se hâtait de lui apporter les nouvelles.

« Deux hommes avec une mule, s’il plaît à Votre Excellence, et je présume que ce sont des marchands. — Des marchands ? corbleu, vilain ! des colporteurs, voulez-vous dire. A-t-on jamais ouï parler d’un marchand anglais qui voyageât à pied sans plus de bagage que ne peut en porter une mule ? Il faut que ce soient des mendiants bohémiens ou de ces gens que les Français appellent Écossais. Les coquins ! ils payeront avec leurs peaux la pauvreté de leurs bourses. — Ne vous hâtez pas trop, car s’il plaît à Votre Excellence, de petits sacs peuvent contenir de grandes sommes. Mais, riches ou pauvres, ce sont nos hommes, du moins ils en ont toute l’apparence… Le plus âgé, qui est d’une bonne taille et brun de visage, peut avoir cinquante-cinq ans ; sa barbe commence à grisonner ; le plus jeune, qui est dans sa vingt-cinquième année, est plus grand que l’autre, joli garçon, avec un menton lisse et des moustaches châtain clair.

« Faites-les entrer, » dit le gouverneur en se retournant pour redescendre vers la rue, « et amenez-les dans la chambre des tortures[1] de la douane. »

En parlant ainsi, il se rendit lui-même au lieu indiqué. C’était un appartement dans la large tour qui protégeait la porte orientale, où était déposé le chevalet avec divers autres instruments de torture, que le cruel et rapace gouverneur avait l’habitude d’appliquer aux prisonniers dont il voulait tirer de l’argent ou des aveux. Il entra dans la pièce, qui était imparfaitement éclairée, et dont il était presque impossible de distinguer la voûte gothique, d’où pendaient jusqu’en bas des nœuds et des cordes qui étaient en horrible rapport avec des instruments de fer rouillés, tapissant les murs ou épars sur le plancher.

Un faible rayon de lumière pénétrait par une des nombreuses et étroites ouvertures ou meurtrières dont les murailles étaient garnies, tombait directement sur le corps et la figure d’un grand homme basané, assis dans un coin, qui, sans cette illumination partielle, aurait été le plus obscur de ce sinistre appartement. Ses traits étaient réguliers et même beaux, mais d’un caractère tout particulièrement sombre et farouche. Le costume de cet individu était un manteau d’écarlate ; il avait la tête chauve et entourée de mèches noires en désordre, que le temps avait en partie rendues

  1. Folter-kammer, dit le texte ; mot allemand, formé de folter, torture, et de kammer, chambre. a. m.