Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/350

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sité qui compensaient les caprices et les bizarreries de son naturel ne sont pas devenues plus rares qu’autrefois. — J’ai de bonnes raisons pour croire qu’elles ne sont pas moins nombreuses, » répliqua le soldat de fortune, qui comprenait le mot générosité dans le sens restreint de libéralité. « Le duc est un noble maître, qui a toujours la main ouverte. — J’espère qu’il n’accorde ses bontés qu’à des hommes qui sont aussi fermes et aussi fidèles à son service que vous, Colvin, vous l’avez toujours été. Mais je vois un changement dans votre armée. Je connais les bannières de la plupart des anciennes maisons de Bourgogne… comment se fait-il que j’en aperçoive si peu dans le camp du duc ? J’observe bien des guidons, des étendards, des drapeaux ; mais à mes yeux mêmes qui sont accoutumés depuis si long-temps aux insignes des nobles de France et de Flandre, toutes ces armoiries sont inconnues. — Noble comte d’Oxford, répliqua l’officier, il convient mal à un homme qui vit de la paie du duc de censurer sa conduite ; mais Son Altesse, suivant moi, accorde depuis un certain temps trop de confiance aux bras soldés des troupes étrangères, et trop peu à ses sujets naturels, à ses propres vassaux. Il croit qu’il vaut mieux entretenir à sa solde des corps considérables de soldats mercenaires allemands et italiens, que se fier aux chevaliers et aux écuyers qui lui sont attachés par droit d’allégeance et par serment de fidélité. Il ne recourt à ses sujets que pour exiger d’eux les sommes énormes dont il a besoin pour solder ses troupes. Les Allemands sont d’assez honnêtes coquins lorsqu’on les solde régulièrement ; mais le ciel me préserve des bandes italiennes du duc et de ce Campo-Basso, leur chef, qui n’attend qu’un bon prix pour vendre Son Altesse, comme on vend un mouton pour la boucherie ! — Pensez-vous si mal de lui ? demanda le comte. — Oui, vraiment, et si mal que je crois, répondit Colvin, qu’il n’est pas de genre de trahison que la tête puisse inventer et le bras accomplir, qui ne trouve son âme prête à l’adopter, et sa main à l’exécuter. Il est pénible, milord, pour un honnête Anglais comme moi, de servir dans une armée où de pareils traîtres commandent. Mais que puis-je faire, à moins que je ne retrouve une occupation de soldat dans mon pays natal ? J’espère souvent qu’il plaira au ciel miséricordieux de renouveler ces nobles guerres civiles dans ma chère Angleterre, où l’on ne combattait que loyalement, où l’on n’entendait jamais parler de trahison. »

Le comte d’Oxford fit comprendre à son hôte qu’il y avait possibilité que son pieux désir de retourner vivre et mourir dans son