Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/414

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chard, le traître et parjure Clarence, doivent rester à tout jamais possesseurs de la joyeuse Angleterre, ou s’il leur faudra céder la place à un souverain plus légitime, à un homme meilleur. Mais, ô ma royale dame, tout dépend de la promptitude. — Vous dites vrai… peu de jours peuvent, doivent même voir jeter le dé entre Charles et ses adversaires ; et avant de consommer un si grand sacrifice, il serait bon de s’assurer si l’homme qu’il doit nous rendre favorable est à même de nous secourir. Tous les événements d’une vie tragique et agitée m’ont conduite à reconnaître qu’un ennemi n’est jamais à dédaigner. Je me hâterai cependant, avec l’espérance que dans l’intervalle nous recevrons de bonnes nouvelles des bords du lac de Neufchâtel. — Mais qui emploierez-vous à rédiger ces actes si importants ? »

Marguerite réfléchit avant de répondre : « Le père gardien est complaisant, et je le crois fidèle ; mais je n’accorderai jamais qu’à contre-cœur ma confiance à un moine provençal. Voyons, que je cherche… votre père dit qu’on peut se fier au carme qui a apporté la lettre… c’est l’homme qu’il nous faut. Il est étranger, on lui fermera la bouche avec une pièce d’argent. Adieu, Arthur de Vere… Vous serez traité par mon père avec toute l’hospitalité possible. Si vous recevez encore des nouvelles, ne manquez pas de me les communiquer ; de même, si j’ai des instructions à envoyer, c’est à vous que je les adresserai… Que Dieu vous protège donc ! »

Arthur descendit alors la montagne d’un pas beaucoup plus rapide qu’il ne l’avait montée la veille. Le temps était redevenu d’un calme magnifique, et les beautés de la végétation, dans un pays où elle ne s’endort jamais complètement, étaient vraiment délicieuses et rafraîchissantes. Ses pensées erraient des pics du mont Sainte-Victoire aux rochers du canton d’Unterwalden, et son imagination lui rappelait les moments où ses promenades au milieu des rocs helvétiques n’étaient pas solitaires, où il avait à son côté une vierge dont la beauté simple était gravée dans sa mémoire. Des pensées semblables étaient de nature à le préoccuper, et nous sommes fâché de dire qu’elles lui firent complètement oublier la mystérieuse précaution que lui avait indiquée son père, celle d’avoir soin de ne pas s’arrêter au sens des lettres qu’il recevrait de lui avant de les avoir exposées au feu.

La première chose qui lui rappela cette singulière recommandation fut la vue d’un fourneau de charbon dans la cuisine de l’hô-