Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/415

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tellerie au bas de la montagne où il trouva un guide et ses chevaux. C’était la première fois qu’il voyait du feu depuis qu’il avait reçu la missive de son père, et il se souvint alors assez naturellement de la précaution que lui avait recommandée le comte. Grande fut sa surprise de voir qu’après avoir exposé le papier au feu comme pour le sécher, deux mots étaient devenus visibles dans un passage important de la lettre, et que la dernière phrase se trouvait être alors : « Le porteur ne mérite aucune confiance. » Accablé de honte et de dépit, Arthur ne put imaginer d’autre remède que de retourner tout de suite au couvent, et d’apprendre à la reine cette découverte dont il espérait encore l’informer assez à temps pour qu’elle ne courût pas risque d’être trahie par le carme. Irrité contre lui-même et avide de réparer sa faute, il rassembla toutes ses forces pour gravir de nouveau la montagne, qui probablement n’avait jamais été gravie en aussi peu de temps que par le jeune héritier de Vere ; car, après avoir marché quarante minutes, il se trouva essoufflé et palpitant en présence de la reine Marguerite, qui fut également surprise de son retour et de son état d’épuisement.

« Ne vous fiez pas au carme ! s’écria-t-il… Vous êtes trahie, noble reine, et c’est par ma négligence. Voici mon poignard… ordonnez-moi de me l’enfoncer dans le cœur ! »

Marguerite demanda et obtint une explication plus précise ; quand il la lui eut donnée, elle dit : « C’est un malheureux hasard ; mais les instructions de votre père auraient dû être plus claires. J’ai communique à ce carme le but des contrats, et je l’ai engagé à les rédiger. Il vient de me quitter à l’instant pour se rendre au chœur : impossible de retirer la confiance que j’ai si malheureusement placée ; mais je puis obtenir du père gardien qu’il empêche ce moine de sortir du monastère jusqu’à ce que nous n’ayons plus à craindre son indiscrétion ; c’est là le meilleur moyen de nous en assurer, et nous veillerons à ce qu’il soit dédommagé par une récompense des désagréments que lui pourra causer sa détention ; en attendant, repose-toi, bon Arthur, et détache le collet de ton manteau. Pauvre jeune homme ! tu es presque épuisé d’avoir tant couru. »

Arthur obéit, et s’assit sur un siège dans le parloir ; car la vitesse qu’il avait déployée le mettait presque hors d’état de rester debout.

« Si je pouvais seulement, dit-il, voir ce coquin de moine, je trouverais bien moyen de lui coudre les lèvres ! — Mieux vaut