Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/293

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cepté celle du prudent conseil de ville, qui se donnait une peine inconcevable pour préparer la chaîne et la trame que devait fournir la ville de Marchthorn tous les six ou sept ans, dans le but de tisser la quatrième partie d’un membre du parlement.

Dans une pareille ville, il arrive d’ordinaire que le clerc du shériff, surtout si on le suppose agent de plusieurs lairds du premier ordre, possède une des maisons de meilleure apparence, et telle était celle de M. Bindloose. Ce n’était point, à la vérité, la charmante demeure du procureur du sud, toute bâtie en briques et ornée d’un marteau de cuivre luisant : le clerc n’habitait qu’un bâtiment haut, maigre, sombre, avec d’étroites croisées et un toit qui se projetait de plusieurs pieds au dessus de la rue, lequel toit présentait à sa surface des espèces de gradins, vu l’épaisseur des tuiles dont il était formé ; enfin les fenêtres du bas étaient défendues par des barres de fer ; car M. Bindloose, comme il arrive souvent, tenait une succursale d’une des deux banques nationales qui avait été récemment établie dans la ville de Marchthorn.

Vers la porte de cette maison, par les rues anciennes et désertes de cette ville fameuse, s’avançait lentement une voiture qui, si elle avait paru dans Piccadilly, aurait fourni de quoi rire pendant une semaine, et alimenté les conversations durant un mois. C’était un char à deux roues, qui ne pouvait réclamer aucun des noms modernes de tilbury, de tandem, de dennet, etc., et qui aspirait seulement à l’humble dénomination de cet équipage presque oublié… un whisky, ou, suivant quelques autorités, un timwhisky. Ce char était, ou plutôt il avait été originairement de couleur verte, et se trouvait placé, d’une manière sûre et solide, sur deux petites roues basses de forme antique, qui n’étaient nullement en proportion avec la caisse. Le dessus, semblable à celui d’une calèche ordinaire, avait été rabattu, à cause de l’humidité de l’air du matin ou de la délicatesse farouche de la belle dame qui, voilée par des rideaux de cuir, occupait ce vénérable échantillon d’un carrosse antédiluvien.

Mais comme cette belle et modeste dame n’aspirait aucunement à l’honneur de conduire la direction d’un cheval qui paraissait aussi vieux que la voiture, elle était exclusivement confiée à un bonhomme habillé en postillon. Les cheveux gris de ce galant écuyer s’échappaient des deux côtés d’une antique toque de jockey en velours, et son épaule gauche était si considérablement élevée au