Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/318

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avec le compère de sir Sidney, le vieux Djezzar Pacha, et nous avons eu un excellent repas : tout aurait été pour le mieux si on n’eût apporté un dessert de nez et d’oreilles qui troubla ma digestion. Le vieux Djezzar trouva la plaisanterie si bonne qu’à peine auriez-vous vu dans Acre un seul homme dont la figure ne fût pas aussi plate que la paume de ma main… Ventrebleu ! je respecte mon organe olfactoire, et le lendemain matin je décampai aussi vite que put m’emporter le plus léger dromadaire qu’un pauvre pèlerin monta jamais. — Si vous êtes allé réellement dans la Terre-Sainte, dit M. Cargill, à qui la gaîté de M. Touchwood inspirait quelques doutes, « vous serez capable de m’éclairer au sujet des croisades. — Elles ne se sont point passées de mon temps, docteur. — Vous devez comprendre que ma curiosité ne porte que sur la géographie des contrées où ces événements eurent lieu. — Oh ! quant à cette affaire, vous avez trouvé votre homme : dès qu’il s’agit du temps présent, me voilà. Turcs, Arabes, Cophtes et Druses, je les connais tous, et je puis vous les faire connaître aussi bien que moi. Sans dépasser d’un pas le seuil de votre porte, vous connaîtrez la Syrie tout comme moi-même. Mais un bon service en mérite un autre ; et pour me disposer à vous répondre, il faut que vous soyez assez bon pour dîner avec moi. — Je ne sors que rarement, monsieur, » dit le ministre avec une hésitation marquée, car ses habitudes de solitude et de retraite ne pouvaient être entièrement vaincues, même par l’espérance qu’avaient fait naître en lui les préambules du voyageur ; « cependant, je ne puis renoncer au plaisir de passer quelques heures avec un homme qui possède tant d’expérience. — Eh bien donc, à trois heures… Je ne dîne jamais plus tard, et toujours à la minute… Je demeure à l’auberge en haut de la rue, où mistress Dods s’occupe en ce moment de préparer un dîner comme votre science n’en a jamais vu, docteur ; car j’ai apporté des quatre parties du monde les recettes d’après lesquelles il sera préparé. »

Ce traité conclu, ils se quittèrent ; et M. Cargill, après avoir réfléchi quelque temps au singulier hasard qui avait envoyé un homme vivant pour résoudre les difficultés sur lesquelles il consultait vainement les autorités anciennes, reprit par degrés la suite de réflexions et de recherches que la visite de M. Touchwood avait interrompue, et bientôt il perdit tout souvenir de cet épisode et de l’engagement qu’il avait pris.

Il en était autrement de M. Touchwood, qui, lorsqu’il n’était pas occupé par des affaires d’une importance réelle, avait l’art,