Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/341

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seront entendues. — Jamais, jamais, répondit Clara : réduite à l’extrémité, j’y puiserai du courage… Vous n’avez pas de droits, vous n’en avez aucun… Je ne vous connais pas, et je vous défie. — Ne me défiez point, Clara Mowbray, » répliqua le comte d’un ton et avec des gestes bien différents de ceux qui charmaient la société ; car alors il était solennel, tragique, et presque sombre comme le juge lorsqu’il prononce la sentence d’un criminel : « ne me défiez pas, répéta-t-il, je suis votre destin, et il dépend de vous, Clara, que je sois doux ou sévère. — Osez-vous parler ainsi ? » s’écria miss Mowbray les yeux étincelants de colère, tandis que ses lèvres devenaient blanches et tremblaient de crainte. « Osez-vous parler ainsi, et oublier qu’au dessus de nos têtes est le même ciel que vous avez pris à témoin de votre promesse, lorsque vous avez juré si solennellement de ne jamais me revoir sans mon consentement ? — Ce serment était conditionnel… Francis Tyrrel en a fait un semblable… Ne vous a-t-il pas revue ? » Il fixa sur elle un regard pénétrant, et continua : « Oui, il vous a revue… Vous n’osez pas le nier !… Un serment qui ne fut pour lui qu’un fil de soie sera-t-il donc pour moi une attache de fer ? — Hélas ! ce ne fut que pour un moment, » dit miss Mowbray perdant courage, et baissant la tête pour répondre.

« Quand ce n’aurait été qu’un coup d’œil. Il vous a vue… vous lui avez parlé : et moi aussi, je dois vous voir, et moi aussi, vous devez m’entendre ! sinon je vous réclamerai d’abord à la face du monde ; et après avoir fait reconnaître mes droits, je chercherai et j’immolerai le misérable rival qui a osé me les contester. — Pouvez-vous parler ainsi ? pouvez-vous rompre ainsi les liens de la nature ? Avez-vous un cœur ? — Oui, j’ai un cœur, et il cédera comme la cire à vos moindres souhaits, si vous consentez à me rendre justice ; mais un rocher n’est pas plus inflexible que je le deviendrai si vous persistez dans une inutile opposition ! Clara Mowbray, je suis votre destin. — Non, homme orgueilleux, non, » dit Clara en se levant, « Dieu n’a point donné à un insecte le pouvoir d’en écraser un autre sans sa divine permission… Mon destin dépend de celui sans la volonté duquel un moineau même ne tombe pas à terre… Sortez, j’ai confiance dans la protection du ciel. — Parlez-vous avec sincérité ? répliqua le comte d’Étherington ; considérez d’abord quelle perspective s’offre à vous. Je ne me présente pas ici sous un caractère douteux et incertain… Je ne vous offre pas simplement le nom d’épouse… je ne vous propose pas un sort obscur, une humble con-