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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/412

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celui d’épouser ce Bulmer. Clara Mowbray doit donc me pardonner, puisque le mal que je lui ai fait était inévitable, tandis que le bien qu’elle a reçu de moi a été volontaire. Il faut que je la voie, monsieur Cargill, que je la voie avant de mourir… il m’est impossible de prier avant de la voir, impossible d’écouter un mot de vos pieuses exhortations sans l’avoir vue. Mais comment puis-je espérer mon pardon de… »

Elle tressaillit à ces mots en poussant un faible cri, car les rideaux du lit, du côté opposé à celui où était Cargill, s’ouvrirent lentement, tirés par une main débile, et la figure de Clara Mowbray, ses vêtements et ses longs cheveux dégouttants de pluie, se montra entre les deux rideaux. La mourante se leva sur son séant, les yeux lui sortaient de la tête, ses lèvres tremblaient, ses mains amaigries s’attachaient aux couvertures ; elle paraissait aussi épouvantée que si sa confession eût évoqué l’ombre de l’amie qu’elle avait eu le malheur de trahir.

« Hannah Irwin, » dit Clara d’une voix aussi douce que de coutume, « mon ancienne amie, qui devîntes mon ennemie sans que je vous eusse provoquée, recourez à celui qui a des pardons pour nous tous : recourez à lui avec confiance, car je vous pardonne aussi véritablement que si vous ne m’aviez causé aucun mal, aussi véritablement que je désire mon propre pardon. Adieu !… adieu !… »

Elle sortit de la chambre avant que le ministre pût se convaincre qu’il n’avait pas vu un fantôme. Il descendit précipitamment l’escalier, appela au secours ; mais personne ne voulut lui répondre, car les gémissements rauques et profonds de la malade persuadèrent à tout le monde qu’elle rendait le dernier soupir. Mistress Dods et sa servante se précipitèrent dans l’appartement pour voir mourir Hannah Irwin, qui mourut en effet peu d’instants après.

Elle venait à peine d expirer, que la seconde servante de Meg, qui était restée à l’auberge, vint, d’un air qui marquait une profonde terreur, informer sa maîtresse qu’une dame était entrée dans la maison comme une ombre, et se mourait dans la chambre de M. Tyrrel, événement que nous allons raconter.

Dans l’état irrégulier où se trouvait l’esprit de miss Mowbray, un choc moins violent que celui qu’elle avait reçu par suite des violences arbitraires de son frère, joint aux fatigues, aux dangers et aux frayeurs de son excursion nocturne, aurait suffi pour épuiser ses facultés, tant physiques que morales. Nous avons déjà dit que la lumière qui brillait à une fenêtre du presbytère avait probable-