Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/413

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ment attiré son attention ; et, dans la confusion où se trouvait alors cette maison qui n’était jamais remarquable pour l’ordre, elle monta aisément l’escalier, pénétra dans la chambre de la malade sans être aperçue, et put entendre la confession d’Hannah Irwin, confession plus que suffisante pour aggraver encore le désordre de son esprit.

Nous n’avons aucun moyen de savoir si elle cherchait réellement Tyrrel, ou si ce fut, comme dans le premier cas, une fenêtre encore éclairée tandis que tout était obscurité à l’entour, qui l’attira ; mais elle arriva bientôt près de son malheureux amant, alors occupé à écrire, et qui voyant tout-à-coup un objet se réfléchir dans un large et antique miroir suspendu en face de lui, leva les yeux, et aperçut Clara tenant à la main une lumière qu’elle avait prise dans le corridor. Il demeura un instant les yeux fixés sur cette effrayante image, avant d’oser retourner la tête vers l’objet lui-même. Quand il se tourna enfin, le visage pâle et impassible de la malheureuse lui fit presque croire qu’il voyait une apparition, et il frissonna lorsque, se penchant vers lui et lui prenant la main : « Venez, » dit-elle, d’une voix saccadée, « oh ! venez vite, mon frère nous poursuit pour nous tuer tous deux… Venez, Tyrrel, fuyons… nous ne l’échapperons pas aisément… Hannah Irwin a déjà pris les devants… mais s’il nous rejoint, je ne veux plus que vous vous battiez, il faut me le promettre, Tyrrel… nous n’avons eu déjà que trop de combats… vous serez sage à l’avenir. — Clara Mowbray, s’écria Tyrrel, hélas ! est-il possible ? Arrêtez, ne vous éloignez pas… (car elle se détournait pour partir) arrêtez ! arrêtez ! asseyez-vous ! — Il faut que je parte, répondit-elle, il le faut, on m’appelle… Hannah Irwin est allée en avant pour tout dire, et je dois la rejoindre. Ne viendrez-vous pas avec moi ?… oh ! si vous m’arrêtez de force, je sais qu’il faut que je m’assoie… mais malgré tout, vous ne pourrez pas me retenir. »

Suivit un accès convulsif qui sembla révéler par sa violence qu’elle était appelée en effet à faire le dernier et sombre voyage. La servante qui arriva enfin, après que Tyrrel eut long-temps crié, s’enfuit épouvantée de la scène dont elle fut témoin, et alla porter l’alarme à la maison du ministre.

La vieille aubergiste fut donc forcée de quitter un spectacle de douleur pour en venir voir un autre. Lorsqu’elle arriva chez elle, quel fut son étonnement d’y trouver la fille d’une maison qu’elle avait toujours aimée, dans un état d’anéantissement presque com-