Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/22

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Pour répondre à cette hospitalité, Raymond invita le prince de Powys à venir pendant les fêtes de Noël, avec une suite choisie mais limitée, à son château de Garde-Douloureuse, que quelques antiquaires se sont efforcés d’identifier avec le château de Colune, sur la rivière du même nom. Mais la longueur du temps et quelques difficultés géographiques jettent des doutes sur cette ingénieuse conjecture.

Le fidèle barde du Gallois observa qu’en traversant le pont-levis, son maître semblait éprouver une émotion involontaire ; l’expérience de Cadwallon, et la connaissance qu’il avait du caractère de son maître, étaient telles, qu’il ne douta pas que celui-ci n’eût le désir de profiter de l’occasion pour s’emparer par la force, même en violant la bonne foi, de ce qui avait été si long-temps l’objet de sa cupidité.

Craignant que le combat que se livraient la conscience et l’ambition de son maître n’eût un résultat peu favorable à sa renommée, le barde arrêta l’attention de Gwenwyn en lui disant à voix basse, dans leur idiome maternel : « Les dents qui mordent avec le plus de force sont celles qu’on ne voit pas[1] ; » et Gwenwyn, regardant autour de lui, vit que, quoique la cour ne contînt que des écuyers et des pages non armés, les tours et les remparts du château étaient garnis d’archers et de soldats.

Ils s’avancèrent vers la salle du banquet, où le prince aperçut pour la première fois Éveline Berenger, fille unique du châtelain normand, héritières de ses domaines et de ses richesses supposées, âgée seulement de seize années, et la plus belle personne des frontières du pays de Galles. Déjà plus d’une lance avait été rompue pour soutenir l’éclat de ses charmes, et le brave Hugo de Lacy, connétable de Chester, un des guerriers les plus redoutables de l’époque, avait déposé aux pieds d’Éveline le prix qu’il avait obtenu par son courage dans un tournoi, tenu près de cette ancienne ville. Gwenwyn considérait ces triomphes comme autant de recommandations ajoutées au mérite d’Éveline ; sa beauté était incontestable, elle se trouvait héritière de la forteresse qu’il désirait posséder depuis si long-temps, et qu’il croyait pouvoir acquérir alors par des moyens plus doux que ceux qu’il avait jusque là résolu de mettre en usage.

Cependant la haine qui existait entre les Bretons, les Saxons et les Normands ; ses querelles longues et mal éteintes avec Ray-

  1. The teeth which bide hardest are those waich are out of sight. a. m.