Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/133

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buveurs dans le quatorzième livre de son Historia naturalis. Non monsieur, je sais faire des distinctions, et j’approuve le vin qui, sans déranger le cerveau, épanouit la physionomie, recepto amico, comme dit Flaccus. »

Ainsi se termina l’apologie que le baron de Bradwardine avait cru devoir faire de la surabondance de son repas. Il est facile de concevoir qu’Édouard se garda bien de l’interrompre par un avis différent ou par le moindre doute.

La baron invita son hôte à faire, dans la matinée, une course à cheval, et ordonna à Davie Gellatley d’aller les attendre au Dern Path[1] avec Ban et Buscar. « Avant la saison de la chasse, je voudrais, dit-il, vous donner une idée de la manière dont nous chassons en Écosse, et nous pourrons, si Dieu le veut, rencontrer un chevreuil. Le chevreuil, capitaine Waverley, peut se chassera toutes les époques de l’année, parce qu’il n’a point d’époque pour être ce que nous appelons pride of grease[2] ; c’est ce qui fait que sa venaison ne vaut jamais celle du daim rouge ou du daim fauve. Mais cela nous servira à vous montrer comment courent mes chiens, que j’envoie devant avec Davie Gellatley[3]. »

Waverley parut étonné que l’on confiât une semblable fonction à l’ami Davie, et le baron lui donna à entendre que ce pauvre innocent n’était ni aliéné, ni naturaliter idiota, comme on dit en termes de procédure, mais que c’était simplement un cerveau fêlé, qui remplissait très-bien les commissions qui ne contrariaient pas ses goûts et qui pouvaient le dispenser d’en remplir d’autres. « Il nous a fait prendre intérêt à lui, continua le baron, en sauvant les jours de Rose au péril des siens. Et depuis ce moment, le coquin mange notre pain, vide notre coupe, et fait ce qu’il peut ou ce qu’il veut ; ce qui est pour lui absolument la même chose, si l’on s’en rapporte à Saunderson et au bailli. »

Miss Brawardine dit alors à Waverley que le pauvre innocent était passionné pour la musique, qu’un chant mélancolique l’affectait profondément, et que des airs vifs et gais le jetaient dans des accès d’une gaieté extravagante ; que sa mémoire, sous ce rapport, était prodigieuse et meublée de fragments de couplets et d’airs de tout genre, dont, il se servait quelquefois avec beau-

  1. Sentier solitaire. a. m.
  2. Orgueil de graisse. a. m.
  3. Les adeptes en cuisine diffèrent du baron de Bradwardine, observe l’auteur, et regardent la viande de chevreuil comme une nourriture sèche et peu à rechercher, à moins qu’elle ne soit servie en soupe et en tranches écossaises. a. m.